Interview TELOS



Pour bien débuter cette interview, pouvez vous vous présenter à nos lecteurs/auditeurs ?
Qu’est ce que Telos, pourquoi ce nom et qui sont les créatifs derrière ? Comment définiriez-
vous Telos, une série audio ou un podcast ?


Romain : Je suis concepteur-rédacteur, spécialisé au départ dans l’écriture radio, et le
fondateur d’ORSON productions.
TELOS est d’abord né d’une envie de créer « quelque chose » avec mon ami Morgan. Au
cours d’un week-end en Bretagne, où Morgan venait de s’installer, nous nous sommes
lancé le défi d’écrire ensemble une histoire mettant en scène un personnage racontant une
histoire vraie, mais impossible à croire. Rapidement, la trame de l’épisode 1, avec son flic
venu du futur et sa boucle temporelle, s’est imposée à nous. Dans les semaines qui ont
suivi, d’autres histoires nous sont venues, sans vraiment qu’on les cherche. C’est là qu’on
a réalisé qu’on tenait le début d’une série audio centrée sur le voyage dans le temps.


Morgan : Je suis également concepteur-rédacteur, je travaille en free-lance après avoir
passé près de 15 ans en agence de pub à Paris et j’ai tout juste 40 ans.
TELOS est une série audio, ou fiction sonore pour ceux qui préfèrent. On disait « podcast »
au début mais on s’est vite rendu compte que les gens s’attendaient à une interview avec
deux invités quand on leur présentait de cette façon, alors on a changé. Le nom « TELOS »
vient d’Aristote et désigne la cause finale de toute chose. Pour faire simple, le « telos » d’une
chose est sa raison d’être absolue, le « pourquoi? » cette chose existe. Ce lien
cause/conséquence est un des moteurs majeurs de la série.


Ce qui impressionne avec Telos, c’est sans doute sa réalisation aux petits oignons, on
perçoit un soin énorme donné à chaque épisode. Comment se passe votre processus
créatif ? De l’écriture, au choix des acteurs jusqu’au bruitages audio.


Romain : En général, nous nous entendons sur un thème. On sait de quoi l’épisode va
traiter, qui seront les personnages et quelle sera l’histoire dans les grandes lignes. Ensuite,
l’un de nous produit un premier jet (en général c’est Morgan qui s’y colle). Puis nous
relisons, nous retravaillons, nous faisons des lectures à voix haute, et nous réécrivons
ensemble, encore et encore et encore, jusqu’à arriver à une version qui nous plaît à tous les
deux.
Ensuite, on passe en phase de pré-prod : on caste des comédiens (ça peut être des «
copains », des gens que j’ai rencontrés dans le cadre de mes activités de producteurs, mais
on essaie aussi de se faire plaisir en contactant des gens avec qui on a envie de travailler
depuis longtemps, comme ça a été le cas pour Feodor Atkin, Xavier Béja ou Dominique
Daguier)… et il n’y a plus qu’à enregistrer.
L’enregistrement passé, vient le temps de la post-prod. Le gros de l’affaire, c’est le sound
design. On travaille avec des sound designers chevronnés, avec qui on peut parfois être
très relous à force de perfectionnisme. Arthur en particulier a dû faire preuve de beaucoup
de patience. On ne lui en sera jamais suffisamment reconnaissants.
La musique vient en dernier, on la laisse au soin de Daniel et Eliot. On leur fait écouter une
version intermédiaire de l’épisode et on leur file quelques références de ce qu’on a en tête.
Ils comprennent en général tout de suite de quoi on a besoin et ils nous livrent toujours de
super morceaux. Les premiers fans des musique de TELOS, c’est nous !


Morgan : Quand on s’est lancés dans TELOS, on s’est tout de suite dit « c’est peut-être la
seule et unique fois de notre vie qu’on aura la chance de pouvoir réaliser un truc pareil,
alors on le fait à fond, sans compromis sur la qualité et les moyens à mettre ». C’est la ligne
directrice qu’on a gardée tout du long et c’est ce qui nous a permis d’obtenir ce résultat.
On tâtonnait un peu au début, car bien qu’on ait déjà effectué des enregistrements en
studio par le passé, on n’avait jamais bossé sur un projet pareil en étant aux commandes de
tout. Mais avec le temps et l’expérience accumulée, on a trouvé notre façon de faire : on a

mis en place les outils pour être efficace, on a affiné tout le processus et désormais, la
machine est bien rodée.


Avez vous un réalisateur qui les encadre où ils sont libres de leur interprétation ?


Romain : Oh que non, nos comédiens ne sont pas libres. J’ai une longue expérience de réal
son (du temps où j’écrivais des spots radio en agence de pub) et je suis très
perfectionniste. Morgan je n’en parle même pas : il est encore pire que moi. Il sait
exactement ce qu’il veut, et il ne lâche pas le morceau tant qu’il ne l’a pas obtenu.


Morgan : On réalise tout nous-même car on a avait déjà cette expérience et qu’on sait
exactement comment on veut que ce soit fait. Quand on écrit, on passe beaucoup de temps
à se jouer nous-mêmes les épisodes en les récitant à voix haute. C’est super important pour
déceler des chose qui coincent, des phrases qui coulent moins bien en bouche, des
moments où il faudrait une pause ou au contraire casser le rythme. Comme ça, on arrive en
studio en sachant exactement où on va et tout se passe bien. Il faut aussi se rendre compte
que les comédiens veulent être dirigés. Ils aiment qu’on les cadre, qu’on leur demande
d’essayer des choses différentes qu’ils n’ont pas forcément l’habitude de faire. C’est un vrai
travail humain que l’IA n’est pas encore près de remplacer.


Sans dévoiler les éléments de l’intrigue, mais pourquoi ce choix du voyage dans le temps
comme fil rouge de votre série ?


Romain : Comme expliqué au début, c’est arrivé un peu par hasard. On a imaginé une
histoire, puis une autre, puis une autre, puis une autre… Au bout d’un moment, on s’est
aperçus qu’on était en train de créer une série audio, et on s’est dit que ce serait cool que
TELOS soit plus qu’une simple anthologie, que ces histoires soient connectées les unes
aux autres, et on s’est mis à penser TELOS comme quelque chose de plus vaste.


Morgan : Le thème du voyage dans le temps était central dans la toute première histoire
qu’on a eue, qui est celle de l’épisode 1 de TELOS. À force de parler et d’échanger autour de
cet épisode, on a eu tout un tas d’autres idées qui impliquaient le voyage dans le temps.
Alors on s’est dit qu’on n’avait qu’à en faire notre angle de départ pour la suite. Ce qui n’est
pas forcément évident quand on sait tout ce qui existe déjà sur le sujet, et surtout des
choses de qualité qui ont marqué notre culture !


Telos ne parle pas simplement de voyage dans le temps comme l’ont déjà fait beaucoup de
série, j’ai eu le sentiment en vous écoutant qu’il y avait une volonté de rentre cette notion
tangible, crédible, réalisable, déjà peut être même en cours dans notre monde actuel,
rendre l’inexplicable possible. Je me suis dit en écoutant « mais si ça se trouve tout ça c’est
est possible ». Est ce que ce sentiment est légitime de ma part, c’était une volonté ?


Romain : C’est tout à fait légitime. C’était tentant, particulièrement pour les épisodes qui se
déroulent à notre époque, de jouer avec le fait que tout ça était peut-être déjà en train de se
produire sans qu’on le sache. Nous-mêmes on ne sait pas. Si ça se trouve le président de la
république se fait réellement dicter sa politique par des gens dans le futur. En tout cas
personne n’en parle. Comme par hasard !


Morgan : J’adore la science-fiction du réel. Je ne sais pas si c’est la bonne manière de le
dire mais je vais l’appeler comme ça. J’aime quand on me raconte une histoire de SF qui est
plausible. Un truc qui se passe là, maintenant, aujourd’hui, devant moi, qui est totalement
extraordinaire (au sens premier du terme) mais qui est pourtant totalement possible. Pas
besoin d’inventer des supers milliardaires qui ont des plans pour gouverner le monde
depuis des bases secrètes cachées sous la croûte terrestre ou sur la face cachée de la lune
et auxquels personne ne peut croire si on y réfléchit plus de 5 secondes. Il suffit de
s’appuyer sur la science, sur le rationnel, sur la logique, pour rendre concret quelque chose
de parfaitement irréel à la base. Alors on sait très bien
que ce qu’on raconte ne tient pas la

route si on y réfléchit un peu plus que 5 secondes, mais ça fait toute la différence dans la
perception au final.


J’ai vu dans le traitement du voyage dans le temps un prisme pour parler des sujets de fond
de notre société actuelle : influence politique, tourisme sensationnel des ultra riches, dérive
des réseaux sociaux, médecine, recherche de productivité à tout prix, quête de grandeur de
l’homme… Telos pourrait clairement être un podcast venu du futur pour nous prévenir de
tous ces dangers non ? (Humour, quoi que ….) il y a une vocation de dénoncer des dérives
de votre part ? Ou au moins les mettre en lumière et nous questionner ?


Romain : Bien sûr. Le voyage dans le temps est central dans TELOS, mais au fond ce n’est
que le cadre de l’histoire. Effectivement, chaque épisode a son thème. Il peut nous être
imposé par l’actualité, qui est aussi riche que préoccupante. C’est le cas de l’épisode 6 : la
dernière présidentielle battait son plein et nous a inspiré une histoire. En tout cas c’est
notre façon de travailler. Nous pensons qu’une bonne histoire ne parle pas seulement de ce
dont elle a l’air de parler au premier abord.


Morgan : Il faut qu’on fasse écho à ce qui se passe autour de nous, c’est comme ça que le
public peut s’identifier aux personnages et à ce qui leur arrive. Si on était totalement
déconnecté du quotidien, ce ne serait plus qu’un exercice de style et ça n’aurait pas
d’intérêt.


Quand j’écoute Telos, je ne peux m’empêcher de penser à l’excellente série Netflix « Black
Mirror » dans un style qui vous est propre, en moins cynique. Je pense évidemment à
l’épisode 8. Est ce que cette série est une référence pour vous ? Si non lesquelles sont-
elles ?


Romain : Bien sûr. « Black Mirror » est une excellente référence et une source d’inspiration
pour nous. La qualité de l’écriture, l’originalité du traitement, la pertinences des thèmes…
Les Anglais sont décidément très forts ! Mais pour le coup, « Black Mirror » est vraiment une

anthologie (les épisodes sont indépendants, déconnectés les uns des autres), ce que TELOS

n’est pas : nous avons plutôt voulu en faire une série audio dont les épisodes sortent dans le

désordre (après tout, le voyage dans le temps autorise à s’affranchir de la chronologie),

une histoire avec des personnages récurrents, NOTRE histoire du voyage dans le temps.

Sinon, pour ma part, j’ai lu beaucoup de SF quand j’étais plus jeune. J’aimerais écrire des
histoires de voyage dans le temps ne serait-ce qu’à moitié aussi brillantes que « La fin de
l’éternité » (Asimov) ou « Voici l’homme » (Moorcock), c’est vraiment la meilleure histoire

de voyage dans le temps que je
connaisse.


Morgan : « Black Mirror », et avant elle la série « the Twilight Zone », ont mis en place les
bases du cadre narratif sur lequel on s’appuie. Sans elles, la notion même d’anthologie
n’est pas forcément évidente au départ. Mais on a essayé de pousser un poil plus loin le
concept en gardant un lien, même subtil et ténu, entre tous les épisodes qui vivent les uns
avec les autres. Romain a beaucoup poussé pour ça alors que je n’en avais rien à faire et il
avait raison, ça rajoute une couche supplémentaire qui plait beaucoup.


Et parce que je suis un grand fan je pense à Doctor Who, j’ai bon ?


Romain : En ce qui me concerne, ce n’est pas du tout une référence : je n’ai JAMAIS
regardé « Dr Who ».
Eh oui, je sais : apparemment je passe vraiment à côté de quelque chose.
Je n’ai pas beaucoup de ces vieilles références. Gamin, je n’avais pas le droit de regarder la
télé. Je n’ai jamais vu « Star Trek » ni « Twilight Zone », et je n’ai découvert les « Star
Wars » qu’à 17 ans, quand la première trilogie est sortie en version remasterisée, en 1997.
Heureusement j’ai eu un pote au lycée qui m’a fait rattraper un peu de mon retard en me
faisant découvrir tous les films qui manquaient à ma culture : les « Terminator »,
« Predator », « Highlander », « Die hard »… Il m’en manque toujours pas mal. Je n’ai vu les
« Retour vers le futur » que l’an dernier (on avait fait 2 saisons de TELOS, il fallait quand
même que je les voie !), et je n’ai toujours pas vu « l’Histoire sans fin » par exemple…

Morgan : Pareil, je n’ai jamais regardé Doctor Who. Je suis toujours passé à côté sans
jamais me lancer et c’est un vrai regret. Mais à l’inverse de Romain, moi j’ai été biberonné à
la télé toute ma vie. Mes parents travaillaient jusque tard donc j’ai passé ma jeunesse
devant l’écran en attendant qu’ils rentrent le soir. J’ai tout vu
🙂


Je parlais de l’épisode 8, c’est d’ailleurs mon préféré ! Et vous en avez vous un ?


Romain : Oui bien sûr. En cela on n’est pas différents de nos auditeurs : il y a des épisodes
qu’on aime plus ou moins que d’autres. En ce qui me concerne, je crois que mon choix se
porterait sur l’épisode 7, le premier de la saison 2. Je suis également très fier des épisodes
6 et 12. Et oui, j’aime beaucoup le 8 aussi !


Morgan : Mon préféré, c’est le 6. Les personnages qui passent leur temps à se mépriser et
s’insulter avec des sourires de façade, j’adore. Probablement le truc le plus agréable à
écrire de toute la série.


En tant que podcasteur nous mettons toute nos forces dans la qualité audio, et j’entends
avec admiration que la qualité de votre podcast est absolument incroyable ! Quel est votre
secret ?


Romain : On n’a pas tant de mérite que ça : au-delà de notre propre travail, on s’est
entourés de super comédiens, de super ingé-son, de super sound designers, et on y a
investi beaucoup d’argent. Beaucoup plus qu’il n’était raisonnable de le faire, à vrai dire.
C’est pas plus sorcier que ça.


Morgan : Oui, la vraie réponse honnête à cette question, c’est l’argent. On n’est pas
comédiens, on n’est pas ingénieurs du son (même si on a appris à faire nous-mêmes les
montages pour faire des économies), on n’est pas musiciens, on n’a pas de studio
d’enregistrement donc on est obligé de payer pour tout ça. On a investi notre propre argent
pour financer TELOS, et sans faire de compromis car c’est une aventure d’une vie comme je
disais avant. Mais pour bien se rendre compte, une saison nous coûte 25 000€.
Sincèrement, si on nous avait dit ça avant de se lancer, jamais on ne l’aurait fait.

Passé présent ou futur ? Ce slogan de fin d’épisode qui résonne comme un Teasing ou une
invitation à continuer l’écoute. A t il un sens caché ?


Romain : C’est vraiment juste un truc de pubards, une espèce d’accroche pour inciter les
gens à rester à l’écoute
🙂


Morgan : Ça fait partie des petits trucs qui permettent d’enrichir l’expérience. En soi, ce
n’est rien, c’est juste une phrase gratuite comme ça en fin d’épisode. Mais on s’en sert dans
notre communication et ça devient un marqueur de la série. Ça donne aux auditeurs l’effet
d’un produit complet et cohérent de bout en bout. Les titres d’épisodes sont un autre
exemple de ce type de marqueurs. Il y en a d’autres, moins évidents, mais on laisse aux
gens le soin de les repérer
🙂


Enfin pour terminer, qu’est ce que vous nous préparez pour la suite et comment pouvons
nous vous soutenir ?


Romain : Ah, la question de la suite !
Pour Morgan et moi, la suite, on la voit – on la cherche, du moins – plutôt du côté des
écrans. Le podcast, et en particulier la fiction audio, ça coûte cher, très cher même, et ça ne
rapporte rien. Ça permet de
faire de belles rencontres, c’est déjà ça… Du coup, on cherche
plutôt à continuer l’aventure en écrivant des scénarios de films ou de séries télé.
Pour TELOS, la suite… Difficile à dire. Nous aimerions énormément qu’il y en ait une,
évidemment. Si ça ne tenait qu’à nous, TELOS aurait au moins 4 ou 5 saisons. Il y a encore
plein de choses qu’on voudrait raconter, plein de thèmes qu’on voudrait aborder, plein de

personnages qu’on voudrait faire revenir… Balthus par exemple ! Seulement voilà : TELOS
coûte horriblement cher. Une saison de TELOS, ça coûte 25000 euros en prod pure
(comédiens, studios, sound design et musique). Or nous n’avons jamais reçu le moindre
centime de subvention, de qui que ce soit : ministre de la culture, SACD… Jusqu’à présent,
nous avons financé TELOS avec notre propre argent, sans l’aide de personne. Et le truc,
c’est qu’on déjà dépensé bien plus qu’il n’était raisonnable de le faire. C’est pourquoi on a
lancé une cagnotte en ligne : on fait appel à la générosité de nos auditeurs, en espérant
réunir assez d’argent pour financer au moins une saison 3…
L’adresse, c’est : fr.ulule.com/telos


Morgan : TELOS nous aura permis de faire un projet passion, ce qui n’est pas toujours
évident à faire dans une vie. Donc rien que ça, c’est génial.
Et oui, ça nous a fait rencontrer du monde et ouvrir des portes pour faire d’autres projets.
On a notamment pu réaliser une seconde fiction sonore qui s’appelle « Jacques a dit », un
thriller cette fois qu’on a co-produit avec la société BLYND. C’est disponible gratuitement
sur toutes les plateformes, donc allez écouter !
Enfin, TELOS nous a permis de remettre la main dans l’écriture, qui était notre envie
première. Et on a engrangé énormément d’expérience grâce à ça, on s’en rend bien compte
avec le temps. Cette expérience, on la met désormais à profit pour écrire des projets
audiovisuels qui, on l’espère, se retrouveront sur vos écrans un de ces jours. En tout cas, on y travaille.

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